VENTE PHARMACIE : COMMENT ÉVALUER LE PRIX D'UNE OFFICINE

PERSPECTIVES DU MARCHÉ

En 2024, le marché des transactions pharmaceutiques post Covid reste soutenu mais à trajectoire franchement baissière. Il intègre à la fois l’impact de l’inflation sur la rentabilité et la réalité du marché parallèle en plein boom concernant les médicaments « chers ».

En effet, la sortie toujours plus soutenue de la réserve hospitalière des médicaments onéreux, l’une des priorités de l’industrie pharmaceutique, boost au quotidien les chiffres d’affaires (CA) d’officinaux de plus en plus impactés pour la dispensation de nouvelles molécules prometteuses.

Dans ce nouveau contexte, les modalités de valorisation d’une officine évoluent et mettent davantage l’accent sur les critères de rentabilité, au regard de l’évolution structurelle des ventes de médicaments onéreux sur le territoire national.

En effet, le niveau de dispensation de ces médicaments s’avère très hétérogène sur le territoire national. Le poids des ventes de tels produits sur l’économie de l’officine diffère d’une officine à l’autre dans des proportions tout à fait significatives (les fourchettes rencontrées dernièrement vont de 15% à 40% du chiffre d’affaires hors taxes).
Dans ces cas de figure, la typologie des pharmacies s’en trouve profondément altérée, certaines officines basculant dans des tranches de CA plus élevées, théoriquement plus pérennes et mieux valorisées.

Or paradoxalement, les ventes de telles structures génèrent des marges quasi insignifiantes alors que ces dernières assurent des ventes de produits innovants à forte valeur ajoutée sur le plan pharmacologique !

Celles-ci sont très faibles au-delà d’un prix fabricant hors taxes de plus de 150 € voire quasi nulles à partir de 1930 €, de sorte que la valorisation d’une officine basée sur le montant de ses ventes apparait de plus en plus inadéquate, à moins d’un retraitement des ventes en médicaments « spéciaux ».

En pareille situation, la prise en compte d’indicateurs complémentaires* de valorisation tenant compte davantage de l’excédent brut d’exploitation (EBE) voire de la marge proprement dite apparait pertinente et fiable.

 

PRIX DE CESSION DES OFFICINES EN 2024

Le marché des cessions d’officines s’avère baissier en 2024 comme ressenti fin 2023. Cette tendance baissière des prix de cession*, quelles que soient les tailles et typologies d’officines, demeure significative, notamment pour les tranches comprises entre 1,2 M€ et 1,6 M€.

Sur le plan des perspectives 2024, les écarts autour d'un prix « économique » exprimé en multiple de l'EBE restent largement significatifs*, en lien direct avec la taille des officines concernées (les officines de moins d’1,2 M€ ou de moins d’1,6 M€ « décrochent » comparativement aux tranches de CA supérieures mieux valorisées.

De surcroît, cette disparité tend à s’amoindrir entre les officines de moins d’1,2 M€ et celles de moins d’1,6 M€, cette situation étant étroitement liée au marché de l’offre et de la demande.

 

UNE CLASSIFICATION SUIVANT LA TAILLE DES PHARMACIES

Au delà des tendances de marché par région, le niveau de CA d’une officine reste un critère essentiel de valorisation d'une pharmacie.

La valorisation des fonds de commerce situés dans la première tranche de CA inférieur à 1,2 M€ (pharmacies de proximité), à l’exception des pharmacies présentant un bon potentiel de développement en secteur médicalisé, fait l’objet d’une « décote » traditionnelle, en rapport avec la demande actuelle.

Notons cependant que cette tendance s’étend progressivement à la tranche suivante, comprise entre 1,2 M€ et 1,6 M€.

Contrairement aux années précédentes, le « décrochage » en termes de valorisation moyenne* apparait de plus en plus significatif pour les officines de CA inférieur à 1,6 M€.

Ainsi, alors que les pharmacies de moins d’1,2 M€ s’évaluaient en moyenne* autour de 5,3 fois l’EBE retraité en 2023*, celles de moins d’1,6 M€ s’évaluaient autour de 5,6 fois l’EBE retraité durant la même période, contre 5,2% l’année précédente.

Au-delà de ce critère de CA, le lieu d’exploitation reste un critère essentiel d’appréciation pour les acquéreurs, à fortiori lorsqu’il s’agit par exemple de pharmacies de quartier en hyper centre de métropole, peu prisées, à proximité d’une concurrence en développement, cassant les prix ou les horaires d’ouvertures.

Au même titre, certaines pharmacies rurales ou de centre-ville situées en périphérie immédiate de grande ville (Lyon par exemple) et à l’écart de la concurrence des discounteurs trouvent preneur même lorsqu’elles sont de petites tailles, à conditions d’être à des prix « abordables ». Il s’agit généralement de primo-accédants ayant un faible apport, à la recherche de pharmacies générant des revenus satisfaisants, et préférant exercer seul.

En dehors des cessions de fonds classiques, le recours aux opérations de regroupement, lorsqu’elles sont bien orchestrées, plaide en faveur du maintien d’un niveau de valorisation « acceptable » pour les officines de tailles modestes, que ce soit dans le cadre d’un départ à la retraite ou d’une cession-réinstallation.

En effet, toute pharmacie étant amenée à fermer dans le cadre d’une demande de regroupement apparait valorisable, au regard de la clientèle « récupérable » post regroupement. Dans ce contexte, le marché de l’offre et de la demande s’avère de plus en plus soutenu, principalement pour les officines de moins d’1,6 M€.

Notons que dans certain cas, ces opérations de regroupement sont à l’origine d’un nouveau plan de carrière pour les titulaires concernés, dans le cadre de projet associatif alliant rentabilité et pérennité d’entreprise.
Actuellement, bon nombre de pharmacies font l’objet d’une cession à la suite d’une fermeture de point de ventes « facilitatrice », dans le cadre d’opérations d’indemnisation, de regroupements ou de fusion.

Il s’agit généralement de pharmaciens confrontés à un « départ à la retraite à haut risque », faute de successeur, titulaires d’officines de typologies et tailles comparables (pharmacie de centre-ville ou rurales, de taille modeste, éloignées des grandes agglomérations ou des cabinets médicaux, etc).

A l’opposé, les pharmacies dont les tranches de CA sont comprises entre 1,6 à 2 M€ voire celles de plus de 2 M€ de CA s’avéraient largement « surcotées » en 2023 avec quasiment plus d’un point d’écart (évaluation moyenne* respectivement sur la base de 6,5 et 6,7 fois l’EBE retraité).

En effet, bon nombre d’acquéreurs ont tendance à plébisciter les pharmacies de plus d’1,6 M€, ne serait que pour bénéficier d’une équipe plus importante et s’offrir les services d’un pharmacien assistant. Dans ce contexte, les prix s’avèrent forcément plus soutenus pour les officines de plus d’1,8 M€. Cette situation s’affirme d’autant plus à l’occasion des mouvements d’entrée ou de sortie d’associé(s) exploitant(s), pour les officines les plus prisées dont la taille est souvent supérieure à la moyenne nationale.

 

DES DISPARITÉS D'ÉVALUATION FLAGRANTES POUR DES CA COMPARABLES

Au-delà de ces tendances de marché, notons que certaines officines de CA comparable peuvent se négocier sur des bases de prix très disparates.

Ces fluctuations sont étroitement liées au niveau de dispensation d’une officine en produits chers, comme évoqué ci-dessus.  

Elles sont également étroitement liées au marché de l’offre et de la demande en région. Elles dépendent de nombreux critères connexes liés aux spécificités de la zone de chalandise d’une officine (environnement médical et commercial, possibilités de stationnement, niveau de concurrence), à son potentiel de développement, sa transférabilité, etc.

Dans les régions les plus convoitées (atouts économiques, touristiques, quorum plus avantageux), certaines pharmacies de tailles moyennes à importantes se cèdent à des prix supérieurs à la moyenne nationale.

Dans ces cas de figure, le niveau de valorisation reste étroitement lié au niveau de fonds propres des acquéreurs. Ainsi, certains pharmaciens en phase de réinstallation ou de co-investissement mobilisent suffisamment d’apport pour se permettre de « surpayer » une officine.

D’autres préfèrent réinvestir en privilégiant l’association avec un jeune primo-accédant prometteur, en apportant des capitaux propres au sein de leur propre outil de travail.

Ce mode de transmission générationnelle, lorsqu’il est gagnant-gagnant, offre aux plus anciens la possibilité de céder progressivement des parts sociales dans des conditions de valorisation soutenues et aux plus jeunes de véritables opportunités d’installation et de montée progressive au capital tout en préservant un bon niveau de train de vie.

 

MÉTHODOLOGIE DE VALORISATION

L’évaluation du juste prix économique d’un fonds de commerce faisait appel jusqu’à présent à deux modes d’évaluation principaux, en multiple du CA* ou en multiple de l’EBE retraité*.

Or, comme évoqué précédemment, l’estimation d’une officine en multiple du CA devient de plus en plus délicate à interpréter, au regard de l’inflation des ventes de médicaments chers dans la structure du CA proprement dit.
L’évaluation en multiple de l’EBE retraité tend à écarter certaines erreurs d’appréciations basées sur le montant du CA d’une officine. Elle intègre de fait l’effet baissier des produits chers sur la rentabilité, mais également l’incidence sur la marge des nouveaux types de rémunérations (honoraires de dispensation, politique d’intégration des prestations commerciales).

Cette évaluation nécessite cependant la mise en œuvre d’une méthodologie de reconstitution de l’EBE appropriée.

Il s’agit d’exclure de l’EBE comptable l’ensemble des coûts afférents à la situation du titulaire en place (charges sociales, rémunérations), en tenant compte de leur mode de gestion et de la réalité de leur travail au quotidien. Certaines charges atypiques « de convenance » (frais généraux, frais de personnel) devront être normalisées afin d’éviter tout impact anormal sur le prix de cession d’une officine.

Un diagnostic approprié s’avère donc incontournable à l’aube d’une cession afin d’appréhender à sa juste valeur la structure des ventes d’une officine, mais également la teneur réelle de l’excédent brut d’exploitation comptable propre à chaque pharmacie.

 

MODALITÉ DE VALORISATION COMPLÉMENTAIRE

La méthodologie de valorisation d’une officine prenait jusqu’à présent en compte deux critères essentiels de valorisation, directement liés au CA et à la rentabilité d’une officine (EBE retraité).

Cependant, au regard de l’inflation persistante et de la part grandissante des médicaments chers dans la structure du CA des officinaux, l’intégration d’un indicateur complémentaire tenant compte de telles interférences néfastes sur la rentabilité d’une officine s’imposait.

A l’instar de l’indicateur en multiple de l’EBE retraité, l’avènement d’un nouvel indicateur* exploitable en multiple de la marge* complémente avantageusement les méthodes de valorisation classiques visant à définir le prix de marché d’une officine, autrement dit sa valeur économique.

En effet, un tel indicateur basé prioritairement sur le niveau de marge brute d’une officine affine l’estimation de bon nombre de diagnostics, notamment lorsqu’il s’agit d’officines dont les ventes sont à forte teneur en produits chers, ou lors de divergences quant à la reconstitution d’une EBE.

Au même titre, ce nouveau critère de valorisation devrait permettre d’harmoniser la valorisation de bon nombre d’officines de typologie différentes (centre-ville, quartier, rurales, centre commercial).

A titre d’exemple, une pharmacie de plus d’1,2 M€ évaluée en 2023* dans le cadre d’une fourchette moyenne* assez large comprise entre 6 et 6,8 fois l’EBE retraitée se verra estimée sur la base d’une fourchette* plus étroite de l’ordre de 2,7 à 2,9 fois sa marge brute retraitée.

 

OBSOLESCENCE DE L'ÉVALUATION EN POURCENTAGE DU CA

En quête d’évaluation des critères de valorisation du moment*, notre diagnostic s’est porté sur deux cas de figure très concrets, négociés récemment par nos soins, concernant des officines de taille équivalente mais de typologie bien différente.

Dans le premier cas de figure, il s’agit d’une officine de centre commercial en région Grand-Est de plus de 2,9 M€ de CA HT comportant une marge brute retraitée de l’ordre de 977 K€.

L’EBE retraité des rémunérations des titulaires, mais également de certains coûts liés aux salaires et frais généraux, s’élève à 375 K€.

Les résultats des différentes méthodes de valorisation (en pourcentage du CA ou multiple de l’EBE) n’apparaissent convergentes qu’après l’exclusion d’une partie des ventes de produits à faible marge (celles-ci pesant près de 17% du CA HT de la pharmacie concernée) :
 
Valorisation en multiple de l’EBE retraité* (base moyenne* retenue 6,6) égale à 2475 K€
 
L’officine sera cédée, prévisionnel de faisabilité à l’appui, sur la base du marché moyen* en multiple de l’EBE retraité*.

L’estimation en pourcentage du CA ne se rapprochera de cette valeur moyenne qu’à la suite d’un retraitement correspondant à l’exclusion de près de 25% des médicaments à faible marge :

CA HT retenu après retraitement : 2 763 K€      
Valorisation en pourcentage (base moyenne* retenue 88%) égale à 2432 K€

Dans le second cas de figure, il s’agit d’une officine de centre bourg prisé en région Auvergne-Rhône-Alpes de plus de 2,9 M€ de CA HT comportant une marge brute retraitée de 760 K€.

L’ EBE retraité des rémunérations des titulaires, salaires et frais généraux, s’élève à 307 K€.

L’officine sera cédée à la suite d’une analyse de faisabilité approfondie sur la base du marché moyen* en multiple de la marge retraitée :
 
Valorisation en multiple de la marge (base moyenne* retenue 2,9) égale à 2 204 K€
 
À titre de comparaison et pour se rapprocher du niveau de valorisation retenu pour la cession, l’estimation en pourcentage du CA devra être retraitée via l’exclusion cette fois de près des 2/3 des ventes de médicaments « onéreux »  à faible marge, celles-ci pesant plus lourdement que dans le cas précédent (près de 25% du CA HT) :
 
CA HT retenu après retraitement : 2544 K€
Valorisation en pourcentage (base moyenne* retenue 88%) égale à  2238 K€

 

(*) cf. Interfimo - prix de cession des pharmacies 2023 – Edition 2024


Jean-Olivier DEFRANCE, pharmacien, dirigeant et fondateur de CSO Santé® et Co-opt Santé®

 
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